ΤΟΥΡΚΙΑ-ΕΠΙΧΕΙΡΗΣΗ ΠΡΟΠΑΓΑΝΔΑ: '' L'office" du tourisme turc

l'incroyable cynisme du pouvoir turc ...

 

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Il y aura toujours, en toute circonstance, un parlement, un homme politique, un journaliste, un descendant des rescapés pour rappeler à leur bon souvenir ce crime fondateur,
"ce génocide exemplaire et presque séminal"
pour reprendre l'expression de Bernard-Henri Lévy
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(Πάντοτε θα υπάρχει-σε κάθε περίσταση-ένα Κοινοβούλιο, ένας πολιτικός άνδρας, ένας δημοσιογράφος, ένας απόγονος των επιζώντων, για να θυμίζει στην κακή τους μνήμη  αυτό το θεμελιώδες έγκλημα, « αυτή την υποδειγματική γενοκτονία, σχεδόν αρχετυπική», σύμφωνα με τον Bernard-Henri Lévy)

 
 

''L'office" du tourisme turc

''LEMONDE.FR ''
07.10.10 
Pour une fois, il n'y a pas eu débat, ni même l'ombre d'une polémique. A quelques exceptions individuelles près, l'ensemble des Arméniens a choisi de boycotter la messe autorisée par le pouvoir turc sur l'île d'Aghtamar du Lac de Van, berceau de l'Arménie ancestrale, dans l'un des plus purs joyaux de l'architecture arménienne. Il faut dire que les ficelles de cette opération de propagande étaient cette fois-ci grosses comme une cathédrale. Il s'agissait pour le pouvoir turc d'offrir au monde l'image d'une tolérance retrouvée à l'égard des Arméniens, dans le but évident de conforter son dossier d'adhésion à l'Union européenne. Celui-ci pâtit en effet dans son avancée de la situation des droits de l'homme et des minorités dans le pays. On n'en refera pas ici la liste. Or, bien que les autorités islamiques turques tentent depuis quelques années de diversifier leurs appétits, en lorgnant du côté de l'Asie ou du Moyen-Orient où l'herbe leur semble plus "verte", elles n'ont pas pour autant abandonné leurs visées sur l'Europe. Et dans cette perspective, Bruxelles vaut bien une messe.
Tout ceci serait plutôt risible, si cette exploitation de la détresse des croyants et de la nostalgie des Arméniens ne révélait pas, au-delà du "plan com", l'incroyable cynisme du pouvoir turc. Voilà en effet un Etat porteur d'un des plus sombres passifs qui soit à l'égard des Arméniens (plus de 1,5 million de victimes et 2 000 églises détruites), et qui s'imagine pouvoir se refaire une réputation de tolérance avec des artifices aussi grossiers. L'Etat turc croit aux miracles. Car cette initiative, au lieu de souligner la mansuétude des autorités en place, ne fait au contraire qu'illustrer leur arrogance. Comment en effet appeler autrement cette attitude qui consiste à n'octroyer qu'une fois l'an aux Arméniens l'autorisation de prier dans l'un de leurs sanctuaires les plus sacrés, situé de surcroît au cœur de leur capitale historique ? Il est vrai qu'après un siècle d'interdit, accorder davantage pourrait donner le vertige. Rien ne presse, on avait compris.
Cette mentalité, qui s'inscrit naturellement dans l'histoire de ce pays marqué par l'élimination de la présence chrétienne et le génocide de 1915, qui n'en finit pas de défrayer l'actualité, se double de surcroît d'une rare désinvolture. Qu'on en juge : cet état qui se targue d'être aujourd'hui la seizième puissance économique mondiale ne s'est même pas donné les moyens d'installer à temps pour l'événement une croix sur le fait de cette église. C'est donc bel et bien dans un musée que les Arméniens ont été invités à se rendre. Un symbole fort qui n'est pas pour surprendre de la part d'un appareil d'Etat qui n'a eu de cesse de vouloir réduire ce peuple en vestige du passé.
Hostie sur le gâteau, ce show médiatique tombe un an après la signature des protocoles arméno-turcs, qui s'est soldée par la déconfiture que l'on sait, du fait de la pantalonnade d'Ankara. Cette date a-t-elle été choisie pour rappeler au monde cette palinodie, qui a vu le pouvoir turc mettre a posteriori des conditions à l'application d'un document au bas duquel il avait quelques jours auparavant apposer sa signature ? Quoi qu'il en soit, la tentative d'humiliation de Van a fini par se retourner contre les intentions de son auteur. Les cameramans ne se sont pas tous contentés, tant s'en faut, de la visite guidée pour cet "office" du tourisme turc. Et pratiquement tous les médias ont posé la question de savoir comment et dans quelles conditions avaient disparu les gens qui avaient été capables de construire en ces lieux désertés un tel chef-d'œuvre.

Ani:Armenian Church of Tigran Honents.
Ruins ...
 Ruins of Cathedral of Ani
(Ancient Armenian city of Ani, Κars-Turkey)

L'AVENIR DE LA TURQUIE PASSE PAR L'ARMÉNIE
On tirera comme enseignement de cet événement, que quoi qu'elles fassent désormais sur la question arménienne, les autorités turques sont attendues au tournant. Il y aura toujours, en toute circonstance, un parlement, un homme politique, un journaliste, un descendant des rescapés pour rappeler à leur bon souvenir ce crime fondateur, "ce génocide exemplaire et presque séminal", pour reprendre l'expression de Bernard-Henri Lévy. Et le pouvoir turc serait inspiré de tirer les conséquences de cet état de fait, en écoutant davantage certains de ces intellectuels qui plaident pour une autre façon d'écrire l'avenir avec les Arméniens. Plus humaine.
La Turquie n'est plus aujourd'hui un pays sous-développé qui n'aurait pas les moyens économiques de penser aux droits de l'homme. Si les conditions matérielles d'existence jouent un rôle dans la conscience, cet Etat ne dispose plus de l'excuse de la pauvreté pour justifier son obscurantisme. L'opulence retrouvée devrait au contraire lui donner les moyens d'accéder à un niveau général de développement qui ne soit pas purement profane. A quoi bon, sinon, convoquer la religion en politique, comme le fait l'AKP ? Si en revanche ce mariage entre le spirituel et le temporel ne sert qu'à humilier les autres religions, comme Ankara vient d'en faire une nouvelle démonstration, il n'est décidément pas sûr que cette union-là milite en faveur du dossier turc auprès des édiles européens. Lesquelles pourraient au contraire être de plus en plus fondées à penser qu'en ce qui concerne l'Europe du moins, l'avenir de la Turquie passe par l'Arménie.

Ara Toranian, directeur de Nouvelles d'Arménie Magazine